Résidence alternée : des enfants témoignent

Résidence alternée : des enfants témoignent
Article déposé le 30 octobre 2012

Il y a dix ans étaient votée la loi portée par Ségolène Royal qui permettait aux juges d'instituer la résidence alternée en cas de séparation des parents. Ce système avait déjà en cours de fait bien avant le vote de la loi quand les parents le souhaitaient. Le journal "Le Monde" a lancé un appel à témoignages auprès des internautes. De très nombreux fils et filles de parents séparés nous ont raconté leur expérience. Voici une sélection de leurs témoignages qui a été publiée dans le journal Le Monde.

Tous les lundis, il faut se réorganiser, par Marvin R., lycéen,
J'ai plutôt bien vécu la garde alternée. Bien sûr, il y a des hauts et des bas, surtout peu après la séparation. D'une semaine à l'autre, il faut aller chercher les affaires - personnelles et scolaires - et ça prend pas mal de temps. Tous les lundis il faut se réorganiser. Chaque parent a son rythme, son mode de fonctionnement, et les choses qui sont tolérées chez l'un ne le sont pas forcément chez l'autre. Il faut que les parents – même s'ils se sont quittés en mauvais termes – se mettent d'accord sur les règles de base, c'est primordial pour la bonne éducation des enfants. Et, surtout, il ne faut qu'ils se rejettent la faute l'un sur l'autre : "Oui bah si c'est comme ça chez ta mère, elle a tort! Retournes-y si tu veux!". La communication entre les parents, c'est le plus important.
J'étais souvent triste, au bord des larmes, Anaïs, 22 ans, étudiante à Versailles,
J'avais 15 ans, lorsque mes parents ont divorcé. Ma sœur et moi avons décidé de ne pas choisir entre nos deux parents. Nous avons donc commencé une nouvelle vie à la rentrée, nouveau lycée pour moi, nouvelles maisons, nouvelles connaissances. Cette période de ma vie a été très chaotique. J'ai perdu tous mes repères et pendant longtemps j'ai eu l'impression d'être la valise trop lourde qu'on n'a pas envie de transporter. Je suis vite passée à un rythme plus long, deux semaines chez l'un, deux semaines chez l'autre. Faire ses valises le dimanche soir et partir chez son père ou chez sa mère se réinstaller est dérangeant, j'étais souvent triste, au bord des larmes. Ça aurait été beaucoup plus facile à vivre si mes parents avaient pris conscience que ma sœur et moi subissions les dommages de leur divorce – pourtant à l'amiable. Pour eux, cela ne changeait rien dans leur rythme, ils prenaient goût à leur nouvelle indépendance. Deux semaines libres dans le mois, ils ne comprenaient pas qu'à chaque fois il nous fallait nous réadapter aux habtitudes de chacun. J'ai vu mes parents devenir égoïstes comme s'ils n'assumaient plus vraiment le fait d'avoir deux enfants et tout ce que cela implique. Je me suis retrouvée prisonnière d'une vie qui m'était étrangère et où j'avais l'impression de déranger. Mes parents n'ont rien vu, ils ont mis mon mal-être sur le compte des disputes mais en réalité, j'étais en dépression.

Avec le recul, la meilleure chose qui me soit arrivée, Tom M., 20 ans, étudiant en licence d'histoire,
La garde alternée qui a suivi la séparation de mes parents est peut-être la meilleure chose qui me soit arrivée. En effet, les gains furent énormes, quand on les compare aux pertes. De nouvelles connaissances, deux univers distincts à appréhender… tout cela m'a beaucoup appris dans la vie. Bien sûr, ce constat n'est possible qu'avec le recul des années : ce divorce reste quand même un traumatisme. Mais malgré la peine qui a suivi la dislocation du noyau familial, j'estime aujourd'hui que les bonnes relations que j'entretiens avec mes parents ont été possibles grâce à cette fameuse garde alternée. Je n'ai pas du tout les mêmes rapports avec ma mère et mon père, et heureusement. Ma mère est devenue au fil du temps ma confidente alors que mon père reste le référent en matière d'autorité. Deux sphères complètement différentes qui me satisfont pleinement. Si j'ai un problème avec l'un de mes parents, je peux tout de suite me tourner vers l'autre. Cette situation est aussi favorisée par le fait que mes parents ont réussi à garder d'excellents liens après leur séparation. Ils ont toujours fait en sorte de nous protéger. Ils ont permis que ce bouleversement devienne une force et non une faiblesse. Pour cela, je leur serai toujours reconnaissant.

Au début, c'était nos parents qui étaient en garde alternée, Alice L., étudiante, 23 ans, Paris.
Mes parents se sont séparés lorsque j'avais 6 ans, et mon frère 9.  La première année, nous sommes restés tous les deux dans l'appartement dans lequel nous avions grandi jusque-là, et nos parents y vivaient à tour de rôle une semaine sur deux. C'était eux qui étaient en garde alternée! Mais ce n'est pas tenable pour eux. Maman a alors gardé l'appartement et papa a déménagé non loin de là. Maman m'a acheté une petite valise pour transporter mes affaires d'une semaine à l'autre. L'appartement dans lequel ma mère est restée a toujours été la "maison mère", où nous avions grandi. Nous avions chacun nos chambres, et la plupart de nos affaires. Notre père a déménagé plusieurs fois, et nous devions partager la chambre avec mon frère. C'était plus dur, mais je pense que cela a renforcé notre complicité. Nous avions un équilibre différent chaque semaine, avec un papa-poule qui travaille à la maison, et une maman plus absente qui nous laissait plus de liberté. Mais c'était génial! La garde alternée a été pour nous un très bon système, qui nous a permis d'avoir des moments privilégiés avec nos deux parents. On s'est très vite fait à l'obligation de faire sa valise, et parfois on était bien content d'aller voir ailleurs.

"Je me sentais parfois comme un moyen de compétition entre mes parents", Elise V., originaire du Mans, étudiante Erasmus à Wolverhampton (Royaume-Uni).
Mes parents se sont séparés quand j'avais 2 ans. Ils n'ont pas hésité quant au choix de la garde alternée. C'est ainsi que mon frère - de deux ans mon cadet - et moi-même avons commencé les voyages tous les dimanche ou lundi soirs "chez papa" ou "chez maman". Je n'aurais pas imaginé une seule seconde passer mon enfance plus chez mon père ou plus chez ma mère. Cependant, je reconnais que cela pouvait me peser parfois de devoir me trimballer cette "caisse rose" - comme on avait pris l'habitude de l'appeler - contenant nos CD, livres, vêtements et cours que l'on prévoyait pour la semaine. Un autre aspect négatif était de se sentir comme un moyen de compétition entre nos parents qui cherchaient tous deux à passer le plus de temps possible avec nous. Ainsi, si on passait un ou deux jours de plus avec l'un, cela devenait une affaire d'Etat pour l'autre. S'ensuivaient des plannings hebdomadaires ridicules où l'on se retrouvait à jongler entre nos deux domiciles tous les deux-trois jours, à la suite de tel repas de famille ou tels congés pris. Il m'est arrivé de vouloir leur dire que je n'étais pas un objet que l'on pouvait transporter au gré de ses envies. Globalement, je pense que c'est la moins pire des solutions, à condition de ne pas séparer les frères et sœurs. En effet, cela nous a permis d'être très proches, d'être capable de nous adapter facilement aux situations et d'être organisés.
Classé dans : Conseil conjugal et familial - Thérapie de couple

À propos de l'auteur

Caroline Van Assche

Formée à la thérapie de Couple et de Famille à l'Institut Michel Montaigne à Bordeaux,

Formée à l'ICV (Intégration du Cycle de Vie) à l'Institut Double Hélice,


Diplômée en Psychologie Clinique et Pathologique à l'Université Bordeaux 2 Victor Segalen,


Formée au Conseil Conjugal et Familial au Planning Familial de la Région Ile de France,

Formée au Travail Psychanalytique avec les couples et les familles au Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale de Bordeaux,
Formée à la Sexologie Clinique et Santé Publique à l'Université Paris 7 René Diderot,
Formée à la Sexologie Sexofonctionnelle à l'Université Paris 6 Pierre et Marie Curie,
Membre de L'Association Nationale des Conseillers Conjugaux et Familiaux,
Membre de L'Association Francophone de Sexologie Sexofonctionnelle.